BAPTISTE PENIN
Né en 1981 à Grenoble, Baptiste PENIN s’installe à Paris en 2010 pour développer son rapport avec le flux et la multitude des territoires.
Artiste, plasticien, performeur, il questionne l’espace et les lieux que nous fréquentons et transformons. Le Territoire par ses réseaux, reliefs, traces, empreintes est pour cet artiste un élément créateur et chaotique dans ses réalisations. Plutôt que de vouloir imiter, l’artiste va démultiplier sa pensée pour créer une densité d’une richesse rare dans l’aléatoire.
Diplômé de l’école supérieure des Beaux Arts de Toulouse, Baptiste PENIN expérimente avec frénésie la pluridisciplinarité qui l’habite et qu’il extériorise par des effets de matières sur le papier à même le sol.
« Pensées sur la position de l’être quant aux espaces qu’il traverse.»
Hervé Di Rosa
Baptiste PENIN est représenté par la galerie 170 (Poitiers) de Françoise Marcireau.Baptiste PENIN est également représenté par Wilo and Grove.
Baptiste PENIN
C’est durant ses études aux Beaux-Arts de Toulouse que Baptise Penin pose les jalons de la réflexion qu’il mène depuis maintenant dix ans autour de la notion de territoire. En effet, si l’idée du nomadisme – nous le verrons plus loin – habite fortement cet artiste, son travail plastique propose une réflexion autour des notions de lieu, d’espace et de réseaux. Ses œuvres, que ce soient des toiles, des dessins ou bien le fruit d’expérimentations plastiques, nous invitent à interroger les liens que nous tissons tous avec les différents territoires que nous investissons, qu’ils soient quotidiens, empruntés à l’occasion de déplacements, ou encore rêvés.
Nous vivons dans une société au rythme toujours plus effréné. Tandis que la mondialisation a fait voler en éclat les notions de temps, de déplacements et de frontières, les excès du règne de l’argent, la chute du Politique et l’effritement de la pensée positiviste acculent chaque jour un peu plus l’Homme. « Le progrès et la catastrophe sont [devenus] l’envers et le revers d’une même médaille »[1]. Régulièrement le monde déverse son lot de catastrophes humanitaires et écologiques, projetant l’être humain vers sa propre déchéance.
Face à ce constat, Baptiste Penin a choisi de se positionner en observateur. Perpétuellement « surpris par le monde qui l’environne », « frappé par l’impossibilité de le vivre tel qu’il est », l’artiste travaille à élaborer une archéologie du présent. Tel un scientifique, il enquête sur les traces de notre existence, comme pour s’assurer de la réalité de notre présence au monde. A travers son art, il nous invite à analyser et questionner la place de chacun de nous dans la société contemporaine.
L’artiste se revendique comme un esprit nomade. S’il ne se sent pas appartenir à un espace géographique déterminé, il est en revanche très attaché à la question du territoire dans son acception la plus globale. Ses déplacements réguliers lui permettent d’investir différents espaces de travail et de multiplier les expériences plastiques. L’artiste utilise des formats variés. Le choix se fait toujours en tenant compte de la nature du lieu d’exécution de l’œuvre, sans jamais dépasser 109 x 167 cm. Ces dimensions correspondent en effet au plus grand format que le plasticien peut transporter dans son véhicule.
Dans ses premiers travaux, Baptiste Penin interroge de manière frontale la notion de territoire. Il se procure des cartes géographiques qu’il retravaille au feutre. Il superpose aux données existantes de nouveaux tracés et s’attaque de cette façon à l’outil géographique par excellence. De nouveaux espaces émergent, à la frontière entre réalité et fiction. Parallèlement, l’artiste fabrique des cartes à partir de papiers qu’il froisse puis encre aléatoirement. Pourvus de reliefs, accidentés, ces territoires inventés offrent à notre imaginaire des étendues à rêver, investir et conquérir.
Certains de ces papiers sont découpés puis présentés comme des accumulations. Ils s’apparentent alors à des excavations ou des coupes stratigraphiques, énigmatiques témoignages d’une temporalité évanouie, dont on ne sait précisément s’ils relèvent d’un temps historique ou mythique.
Depuis, Baptiste Penin a élargi le champ de ses recherches plastiques. Du dessin à la peinture, en passant par l’édition de cartes postales ou la sérigraphie qu’il a récemment expérimentée, l’artiste a étendu sa réflexion autour de l’idée du territoire et multiplié les procédés techniques. En tant que « chercheur », celui-ci a pour habitude de prélever dans les espaces qu’il investit les matériaux, les objets et les outils qui s’y trouvent. Attaché au principe d’économie de moyen, il aime s’approprier des instruments et des méthodes d’ordinaire inemployés dans le domaine plastique. Travaillant à partir de matériaux variés – peinture industrielle, planches ou encore ciment achetés ou récupérés sur des chantiers de constructions, papier de verre ou brosses métalliques qui rongent la matière, éponges, seringues – il cherche, à la manière d’un artisan, le moyen de « faire parler la matière [2] ». L’œuvre intitulée Érosion 01 est ainsi constituée de peinture acrylique et de ciment. L’interaction des deux matériaux produit un effet inattendu sur la matière amoncelée sur la toile. La peinture se soulève à de multiples endroits, créant des cratères qui évoquent tantôt la topographie lunaire, tantôt d’étranges reliefs provenant de territoires encore jamais découverts.
La notion de hasard joue un rôle déterminant dans le travail du plasticien. Si ce dernier choisit toujours le format de ses œuvres et le mode d’application de la matière, il cherche par contre régulièrement à se défaire du résultat de ses expérimentations. Réactions chimiques entre les matériaux utilisés, contraintes climatiques revêtent pour lui autant de possibilités de voir ses œuvres prendre leur part d’autonomie, de s’animer en quelque sorte. Erosion01 a par exemple été exposée longtemps sous une gouttière, Terre Brûlée ou Lichen ont été laissées à la poussière qui a ensuite été fixée pour devenir partie intégrante des œuvres. Terre Brûlée intègre dans sa composition les cendres de cigarette de l’artiste…
Température et hygrométrie jouent également un rôle essentiel. La série Bulles a par exemple été produite dans une salle de bain. Le plasticien s’est enfermé dans la pièce et a fait couler l’eau chaude jusqu’à saturer la pièce d’humidité. Il a alors dilué du liquide vaisselle dans de l’acrylique noire avant de souffler à la paille le mélange obtenu sur du papier. De multiples bulles se sont créées, certaines éclatant rapidement, d’autres séchant en laissant ça et là des pellicules de matière. « Tout ce qui est attaqué est renforcé » confie l’artiste. « En confrontant ainsi mes œuvres à divers éléments, j’augmente la probabilité d’accident, je vais au plus près de ce qui m’échappe, car je suis par définition dans la recherche ».
Depuis mars 2011, Baptiste Penin a choisi de se confronter au territoire urbain et donc, à de nouvelles échelles d’espace et de densité de population. Après avoir investi différents lieux majoritairement ruraux, l’artiste s’est en effet établi en partie à Paris. Son travail plastique a alors intégré de nouveaux questionnements et procédés. Le vivant a émergé parmi les espaces autrefois désertiques du plasticien. Les notions de population et d’empreinte sont venues s’agréger à celle de territoire. Car si notre société nous presse à vivre toujours plus vite, plus fort, que reste-t-il finalement de notre passage dans les espaces que nous traversons et les lieux que nous nous approprions ?
Fasciné par les traces qui témoignent de notre présence dans l’espace urbain et se révèlent à nous au détour d’une rue, d’un parc ou d’une bouche de métro, l’artiste a entamé un travail de captation d’empreintes. La série Empreintes a ainsi été réalisée à partir de feuilles doubles de papiers contenant des morceaux de fusain, fixées dans le sol des couloirs du métro puis soumises aux passages ininterrompus des voyageurs. Cette même série est constituée de feuilles posées au sol, enduites de fusain et frottées qui donnent à voir en filigrane les motifs sous-jacents au papier : veinures du bois, fissures du sol, traces de pas…
Ces travaux mettent en évidence des signes fragiles, captés dans un temps court, une certaine urgence. Soumis au regard du spectateur, ils deviennent des motifs autonomes et composent une écriture mystérieuse que chacun pourra déchiffrer à l’aune de sa propre histoire et des paysages mentaux que lui offre son imaginaire.
Aurore Méchain
[1] Stéphane Paoli, Paul Virilio : penser la vitesse, Film co-produit par Arte et la Générale de Production, 2008
[2] Cette citation, ainsi que les suivantes, est issue d’un entretien de l’artiste avec l’auteur à Paris en mars 2012.